[vc_row][vc_column][vc_column_text]Ayant constaté que les factures émises par deux sociétés françaises au titre des contrats de vente conclus avec une société de droit allemand avaient été transférées en exécution du contrat d’affacturage conclu avec une banque, ce dont il résultait que la demande de la banque dirigée contre la société de droit allemand était en lien avec ces ventes, la cour d’appel, a pu en déduire que le caractère délictuel de l’action engagée par celle-ci ne suffisait pas à caractériser l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage prévues dans les contrats de vente.
Cour de cassation, Chambre commerciale, 4 Juillet 2018 – n° 17-13.067
Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 4 Juillet 2018 – n° 17-13.069
Ci-dessous la décision
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet
- RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n 604 F-D
Pourvoi n H 17-13.069
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Banque D. & Cie, société en commandite simple, dont le siège est […],
contre l’arrêt rendu le 13 décembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l’opposant à la société W. Tiernahrung GmbH, dont le siège est […],
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP O., avocat de la société Banque D. & Cie, de la SCP M.-B. et L., avocat de la société W. Tiernahrung GmbH, l’avis de Mme H., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2016), rendu sur contredit, que la société de droit allemand W. Tiernahrung GmbH (la société W.) et les sociétés françaises Tiwy et Etablissements L. (la société L.) entretenaient des relations d’affaires portant sur la fourniture d’aliments pour oiseaux ; que dans le cadre d’une convention d’affacturage les sociétés Tiwy et L. ont transféré à la société Banque D. et Cie (la banque) des factures émises sur la société W. ; qu’à leurs échéances, ces factures sont revenues impayées et que les mises en demeure délivrées par la banque sont demeurées vaines ; que la société L. a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 24 février 2012 et la société Tiwy a été mise en liquidation judiciaire le 9 mars 2012 ; que la société W. ayant fait valoir que les factures litigieuses ne correspondaient à aucune livraison, la banque l’a assignée en paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal ; que la société W. a soulevé l’incompétence du tribunal étatique en invoquant les clauses d’arbitrage prévues dans les contrats de vente ;
Attendu que la banque fait grief à l’arrêt attaqué de dire que le tribunal de commerce de Paris n’était pas compétent et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :
1/ qu’en considérant que le fait que la société Banque D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffit pas à faire regarder la convention d’arbitrage comme manifestement inapplicable, sans répondre au moyen péremptoire invoqué par la société Banque D., tiré de ce que l’action engagée par elle, en qualité de factor, à l’encontre de la société W., débiteur cédé, était fondée non sur les contrats de vente conclus par la société W. avec les sociétés Etablissements L. et Tiwi ou leur exécution, mais sur le comportement déloyal du débiteur cédé à l’encontre du factor, en l’absence de lien entre la convention d’affacturage et les contrats de vente, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2/ qu’une convention d’arbitrage est manifestement inapplicable à une action de nature délictuelle fondée sur le comportement déloyal du débiteur cédé à l’endroit du factor, en l’absence de lien entre le contrat principal qui contient la convention d’arbitrage et la convention d’affacturage ; qu’en considérant que le fait que la société Banque D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffit pas à faire regarder la convention d’arbitrage par référence stipulée aux contrats conclus entres les sociétés W. et les sociétés Etablissements L. et Tiwi comme manifestement inapplicable, quand il résulte de ses propres constatations que l’action introduite par la société Banque D. était fondée, non sur les contrats de vente conclus par la société W. avec les sociétés Etablissements L. et Tiwi stipulant la clause d’arbitrage par référence, ni sur leur exécution, mais sur le comportement déloyal de la société W., débiteur cédé, à l’encontre de la société Banque D., factor, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1448 du code de procédure civile ;
3/ qu’une convention d’arbitrage est manifestement inapplicable à une action de nature délictuelle fondée sur le comportement déloyal du débiteur cédé à l’endroit du factor, en l’absence de lien entre le contrat principal qui contient la convention d’arbitrage et la convention d’affacturage ; qu’en considérant que le fait que la société Banque D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffit pas à faire regarder la convention d’arbitrage par référence stipulée aux contrats conclus entres les sociétés W. et les sociétés Etablissements L. et Tiwi comme manifestement inapplicable, sans caractériser de lien entre les contrats de vente conclus par les société W., Etablissements L. et Tiwi, stipulant la clause d’arbitrage par référence, et la convention d’affacturage conclue par les sociétés Banque D., Etablissements L. et Tiwi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1448 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant constaté que les sociétés L. et Tiwy avaient, en exécution d’une convention d’affacturage, transféré à la banque des factures émises sur la société W. puis que, ces factures étant revenues impayées, la banque avait assigné la société W. en paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal, ce dont il résultait que la demande de la banque était en lien avec les contrats de vente conclus par la société W. et contenant les clauses compromissoires, la cour d’appel, en effectuant la recherche invoquée, a pu en déduire, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, que le caractère délictuel de l’action engagée par celle-ci ne suffisait pas à caractériser l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque D. & Cie aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société W. Tiernahrung GmbH ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP O., avocat aux Conseils, pour la société Banque D. & Cie.
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le tribunal de commerce de Paris n’était pas compétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE la société de droit allemand W. TIERNAHRUNG GMBH (W.) et les sociétés françaises TIWY et ETABLISSEMENTS L. (L.) entretenaient des relations d’affaires portant sur la fourniture d’aliments pour oiseaux. Dans le cadre d’une convention d’affacturage, L. et TIWY ont cédé à la SCS BANQUE D. ET CIE (D.) des factures émises sur W. pour un montant total de 432.500 euros. A leurs échéances en août et septembre 2011 ces factures sont revenues impayées. Le 15 novembre 2011 et le 28 février 2012 D. a délivré des mises en demeure qui sont demeurées vaines. L. a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 24 février 2012 et TIWI a été placée en liquidation judiciaire le 9 mars 2012. W. ayant fait valoir que les factures litigieuses ne correspondaient à aucune livraison, D., par acte du 9 décembre 2012, l’a assignée devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 432.500 euros à titre de dommages-intérêts pour n’avoir pas eu la loyauté de l’informer qu’elle n’entendait pas payer alors qu’elle savait que le factor avait été abusé par ses clientes ;
ET AUX MOTIFS QU’aux termes de l’alinéa 1, de l’article 1448 du code de procédure civile, applicable en matière d’arbitrage international en vertu de l’article 1506, 1 du même code : « Lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable » ; que les contrats conclu entre W. et L. et Tiwy stipulaient une clause compromissoire par référence au contrat –type n 27 de la FOSFA dans les termes suivants : « Tout litige naissant de ce contrat, y inclus toute question de droit naissant en relation avec celui-ci, sera soumis à l’arbitrage à Londres (ou à un autre endroit si les parties en sont convenues ainsi) conformément aux règles d’arbitrage et d’appel de la Fédération des Associations d’Huiles, de graines et des graisses, telles qu’elles sont en vigueur au jour du présent contrat et que les parties aux présentes sont réputées reconnaître applicables ») ; que ni la circonstance que la clause compromissoire soit stipulée par référence, ni le fait que D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffisent à faire regarder la convention d’arbitrage comme manifestement inapplicable ; qu’il convient, infirmant le jugement, de constater que le tribunal de commerce de Paris est incompétent et de renvoyer les parties à se mieux pourvoir ;
1) ALORS QU’ en considérant que le fait que la société Banque D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffit pas à faire regarder la convention d’arbitrage comme manifestement inapplicable, sans répondre au moyen péremptoire invoqué par la société Banque D. (p. 8), tiré de ce que l’action engagée par elle, en qualité de factor, à l’encontre de la société W., débiteur cédé, était fondée non sur les contrats de vente conclus par la société W. avec les sociétés Etablissements L. et Tiwi ou leur exécution, mais sur le comportement déloyal du débiteur cédé à l’encontre du factor, en l’absence de lien entre la convention d’affacturage et les contrats de vente, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU’ une convention d’arbitrage est manifestement inapplicable à une action de nature délictuelle fondée sur le comportement déloyal du débiteur cédé à l’endroit du factor, en l’absence de lien entre le contrat principal qui contient la convention d’arbitrage et la convention d’affacturage ; qu’en considérant que le fait que la société Banque D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffit pas à faire regarder la convention d’arbitrage par référence stipulée aux contrats conclus entres les sociétés W. et les sociétés Etablissements L. et Tiwi comme manifestement inapplicable, quand il résulte de ses propres constatations que l’action introduite par la société Banque D. était fondée, non sur les contrats de vente conclus par la société W. avec les sociétés Etablissements L. et Tiwi stipulant la clause d’arbitrage par référence, ni sur leur exécution, mais sur le comportement déloyal de la société W., débiteur cédé, à l’encontre de la société Banque D., factor, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1448 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU’une convention d’arbitrage est manifestement inapplicable à une action de nature délictuelle fondée sur le comportement déloyal du débiteur cédé à l’endroit du factor, en l’absence de lien entre le contrat principal qui contient la convention d’arbitrage et la convention d’affacturage ; qu’en considérant que le fait que la société Banque D. ait engagé une action à caractère délictuel ne suffit pas à faire regarder la convention d’arbitrage par référence stipulée aux contrats conclus entres les sociétés W. et les sociétés Etablissements L. et Tiwi comme manifestement inapplicable, sans caractériser de lien entre les contrats de vente conclus par les société W., Etablissements L. et Tiwi, stipulant la clause d’arbitrage par référence, et la convention d’affacturage conclue par les sociétés Banque D., Etablissements L. et Tiwi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1448 du code de procédure civile.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]