Oschadbank,Recours en annulation de sentence arbitrale


La Cour de cassation a pris, dans l’affaire « Oschadbank », une décision audacieuse, en pleine guerre entre la Russie et l’Ukraine. En l’espèce, une banque ukrainienne avait réalisé des investissements en Crimée et ces investissements ont fait l’objet d’une expropriation à la suite du rattachement de la Péninsule à l’Etat Russe en 2014. Une sentence arbitrale a été rendue condamnant la Russie à payer une indemnité de plus d’un milliard de dollars à la banque ukrainienne « Oschadbank ».


Par une décision du 30 mars 2021 (Paris, 30 mars 2021, n° 19/04161, Oschadbank), la Cour d’appel de Paris a annulé la sentence arbitrale sur le fondement de l’article 12 du Traité bilatéral de protection des investissements (TBI), conclu entre et l’Ukraine et la Fédération de Russie. Selon l’article 12 du TBI : « le présent accord s’applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d’une partie contractante, sur le territoire de l’autre partie contractante, à compter du 1er janvier 1992 ». Pour la Cour d’appel, l’article 12 établit un critère de compétence rationae temporis du Tribunal arbitral susceptible de contrôle par le juge de l’annulation.

La décision du 7 décembre 2022
Presque deux ans plus tard, alors qu’un conflit armé existe entre les deux États, la Cour de Cassation, par une décision du 7 décembre 2022, a censuré l’arrêt d’appel et ressuscite la sentence arbitrale (Paris, Civ. 1re, 7 déc. 2022, n° 21-15.390). En effet, la Cour de cassation considère que l’article 12 du Traité ne constitue pas une condition relative à la compétence du tribunal arbitral et échappe donc au contrôle du juge de l’annulation : « ni l’offre d’arbitrage stipulée à l’article 9 ni la définition des investissements prévue à l’article 1er ne comportaient de restriction ratione temporis et […] l’article 12 n’énonçait pas une condition de consentement à l’arbitrage dont dépendait la compétence du tribunal arbitral, mais une règle de fond, la cour d’appel, qui devait seulement vérifier, au titre de la compétence ratione temporis, que le litige était né après l’entrée en vigueur du traité, a violé le texte susvisé » (§ 13).


De cette manière, la Cour de Cassation a établi une dissociation entre le champ d’application ratione temporis du traité et la compétence ratione temporis du tribunal arbitral. En conséquence, la question du champ d’application temporel du traité échappe au juge de l’annulation dans le cadre de son examen de la compétence arbitrale.


Cette décision nous renvoie à deux questions principales du contrôle judiciaire des sentences arbitrales : qu’est-ce que le juge contrôle et comment il contrôle ? En effet, le périmètre du contrôle permet de comprendre l’étendue de l’analyse du juge face à la décision arbitrale. Alors que la profondeur du contrôle concerne la nature du contrôle réalisé et son intensité.


Bien que la décision de la Cour de Cassation dans l’affaire « Oschadbank », confirme une tendance jurisprudentielle de réduction du périmètre du contrôle judiciaire, elle ne limite pas l’intensité du contrôle judiciaire de la compétence arbitrale.

Consultez les annexes de cet article :
Sur le site Dalloz
Sur le site de la Cour de Cassation

Lina Reyes,

Juriste du Pôle MARD

CMAP


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