Pierre Charreton
Président d’un cabinet de conseil aux directions juridiques, il est également ancien secrétaire général d’AREVA et ancien manager de la fonction juridique au sein de grands groupes industriels français largement déployés à l’international.
Il possède une formation de juriste en droit privé.
Gabriel Touchard
Secrétaire Général, Directeur Juridique, éthique et compliance de la société Les Eoliennes en Mer Services et Médiateur agréé CMAP, Gabriel est impliqué dans les industries énergétiques depuis 20 ans. Il est également responsable juridique rattaché à la BU France Energie Renouvelable du groupe ENGIE.
Quelle a été votre première expérience de médiation ?
Pierre Charreton :
Ma première expérience de médiation remonte à l’année 2000. Arrivé depuis peu en qualité de Directeur Juridique du groupe Thales j’ai proposé que l’on essaie la médiation dans un conflit qui nous opposait à un fournisseur. A cette époque la médiation commerciale faisait figure de véritable OVNI, c’est à dire qu’elle était un mode de règlement des litiges totalement inconnu. L’expérience fut une réussite et Thales a commencé à pratiquer et à développer la médiation au point que celle-ci fait aujourd’hui totalement partie de la culture et des pratiques de l’entreprise.
Gabriel Touchard :
Ma première expérience de médiation date de 2018. J’étais juriste d’entreprise, je pilotais un différend complexe lié à un dysfonctionnent ultra technique d’un objet industriel sophistiqué, avec beaucoup de parties impliquées et de gros enjeux financiers.
En parallèle, je venais de finir la formation proposée par l’Institut 131 – CMAP sur la médiation inter-entreprises (Devenez Médiateur Inter-Entreprises), qui a eu un effet « révolutionnaire » chez moi.
En effet, à la sortie de cette formation, après avoir eu jusqu’alors un pilotage strictement « contentieux » du litige en cause, j’ai décidé d’agir dorénavant pour tenter de trouver une solution amiable, avec une approche de mon rôle beaucoup plus orientée « médiateur ».
Lors d’une réunion « plénière » avec toutes les parties, où il y avait une quarantaine de personnes, fort de cette volonté de nouvelle approche, j’ai fait le tour de la table et ai serré la main de tous. Ce petit geste, banal, mais actant de cette nouvelle approche, plus conciliante, a symbolisé pour l’ensemble des intervenants la mise en œuvre d’une logique inédite et active tendant à la recherche active d’une transaction, ce qui nous a permis de trouver, en quelques semaines, une transaction globale à plus de 30 millions d’Euros.
Même si je n’étais pas ici à proprement parler médiateur, mais représentant de la partie demanderesse, j’ai vécu cette expérience comme étant ma « première médiation ».
Pourquoi être devenu médiateur et pourquoi avoir choisi le CMAP ?
Pierre Charreton :
Après avoir milité pour la médiation dans les groupes successifs dont j’ai été le Directeur Juridique (France Télécom/Orange puis Areva, tous deux signataires de la Charte de la médiation du CMAP), j’ai souhaité, après ce parcours professionnel, passer de l’autre côté de la barrière et de médié devenir médiateur. Cela m’a semblé une évolution logique afin de continuer à promouvoir la médiation comme le mode le plus intelligent de règlement des conflits.
Le CMAP faisait en 2015, date à laquelle j’ai obtenu ma certification CMAP, figure de partenaire des entreprises dans lesquelles j’avais travaillé; il était alors l’organisme le plus crédible dans le domaine de la médiation d’affaires. Il n’y a eu pour moi aucune hésitation pour le choix du CMAP.
Gabriel Touchard :
Peut-être, suis-je devenu médiateur car je me prénomme Gabriel ? La solution agréée vaut mieux, le plus souvent, que le procès, tout simplement. Et aider à la discussion, à trouver l’accord amiable est très gratifiant, humainement.
Le CMAP s’est imposé comme une évidence, après ma formation sur la médiation inter-entreprises dispensée par l’Institut 131-CMAP, qui a eu un effet profondément novateur chez moi, notamment sur « l’art » de la Communication Non Violente, instrument parfait pour la médiation.
Quel est votre évènement le plus marquant en médiation ?
Pierre Charreton :
Chaque médiation est une aventure dont on ne connaît ni le cheminement ni l’aboutissement. Il y a eu en 10 ans de médiation beaucoup d’évènements marquants.
Je peux citer le cas d’une médiation multipartite relative à l’exécution d’un projet complexe qui a abouti à un accord, après plus d’un an de médiation, et qui a ensuite généré deux autres médiations sur des sujets connexes et qui furent également conclues par un accord.
Gabriel Touchard :
Je n’ai, pour l’instant, connu qu’une médiation qui n’a pas abouti positivement. Et, plusieurs années après, elle me travaille encore. Comment contourner un avocat ouvertement hostile à la médiation, souhaitant fermement, selon toute apparence, aller au contentieux ? Impossible ou simplement difficile ? Mais je ne connais pas la suite de l’histoire (contentieuse), peut-être cet avocat a-t-il eu raison ?
Pourquoi selon-vous le secteur de l’IT est-il propice à la médiation ?
Pierre Charreton :
Le secteur de l’industrie (dont l’énergie constitue un des domaines parmi d’autres) se prête particulièrement à la médiation en raison de la complexité des contrats et des projets et, bien souvent, à la pluralité des acteurs (chaîne de contrats). Les causes de désaccord sont multiples et peuvent concerner la nature des obligations respectives des parties, les spécifications et limites de fournitures, les manquements ou défauts d’exécution, les retards et leurs conséquences qui peuvent être considérables, etc.. Bien souvent, à des degrés divers, les torts sont partagés et résultent d’un enchaînement de causes et d’effets. Un procès sera souvent long et aléatoire.
Gabriel Touchard :
L’industrie et l’énergie requièrent des investissements lourds, de long terme, dans un environnement complexe, évolutif. Elles nécessitent donc des approches de partenariats, qui génèrent nécessairement, dans la durée, des conflits, mais aussi des opportunités de résolution amiable de ceux-ci, et donc d’un renforcement de ces partenariats.
Médiateur expert ou béotien, un avis sur la question ?
Pierre Charreton :
J’ai réalisé mes meilleures médiations dans des secteurs où je ne connaissais rien. En outre, le spécialiste d’un secteur est souvent réputé conflicté; connaissant le secteur il a eu à en connaître les acteurs.
Le plus important est la qualité du médiateur. Un bon médiateur fera souvent une bonne médiation, quel que soit le secteur d’activité des parties. En revanche, un mauvais médiateur fera rarement une bonne médiation, même dans un secteur qu’il connaît.
Il me semble qu’il faudrait en médiation commerciale combattre auprès des entreprises l’idée de l’avantage du spécialiste/expert. Ceci dit, la condition pour le médiateur non spécialiste du secteur dans lequel intervient est de travailler. Le médiateur doit apprendre ce qui est utile et ce dès sa désignation. Lors de sa préparation il ne doit pas hésiter à se renseigner, à questionner les parties et à se faire expliquer certaines choses (généralement techniques; des mots, des abréviations,…) qu’il ne comprend pas. J’ai constaté que les entreprises sont généralement ravies de le faire. Ainsi, il m’est arrivé d’adresser aux parties, en tout début de médiation, avant la première plénière, une liste de questions. Par ailleurs je rencontre toujours les parties avant la première réunion cette préparation est aussi l’occasion d’un échange fructueux.
Gabriel Touchard :
Un bon médiateur a le don de l’écoute et de la parole, et peut donc exercer ces talents dans tous les domaines, même ceux qu’il ne connait pas. Mais quand il connait, en plus, le milieu en cause, d’autant plus dans des domaines très techniques et complexes, comme l’industrie et l’énergie, alors, c’est encore mieux.
Pierre Charreton
Président d’un cabinet de conseil aux directions juridiques, il est également ancien secrétaire général d’AREVA et ancien manager de la fonction juridique au sein de grands groupes industriels français largement déployés à l’international.
Il possède une formation de juriste en droit privé.
Gabriel Touchard
Secrétaire Général, Directeur Juridique, éthique et compliance de la société Les Eoliennes en Mer Services et Médiateur agréé CMAP, Gabriel est impliqué dans les industries énergétiques depuis 20 ans. Il est également responsable juridique rattaché à la BU France Energie Renouvelable du groupe ENGIE.