Nicolas Simon
Avocat, associé-fondateur d’un cabinet
spécialisé en prévention et gestion des risques de l’entreprise, ayant
travaillé en tant que juriste et directeur juridique au sein de grands groupes
dans les secteurs de l’énergie, l’ingénierie et la grande distribution.
Formateur en médiation
Frédéric Beccaria
Coach certifié ICF, accompagne ses clients dans l’atteinte de leurs objectifs en misant sur la créativité et la réflexion. Ancien avocat et dirigeant, il a acquis une expertise en gestion de projets complexes et en conduite du changement.
Quelle a été votre première expérience de médiation ?
Nicolas Simon :
Ma première médiation a été menée dans le cadre d’une succession familiale avec plusieurs sociétés et de nombreux actifs, notamment immobiliers. La fratrie se déchirait et ne se parlait plus depuis plusieurs années. La sœur n’échangeait avec ses frères que par ses conseils et les frères se reprochaient leurs choix de vie réciproques. La médiation a réussi à les réunir autour d’une table avec des enjeux en dizaines de millions.
La médiation a permis de trouver un accord, à partir d’un sujet qui s’est révélé financièrement insignifiant. 10 ans de blocage ont été levé et la confiance a été restaurée.
Frédéric Beccaria :
Une mauvaise première expérience lorsque j’étais avocat car la partie adverse a déclenché une médiation qui a duré une heure uniquement pour poursuivre la procédure. Une excellente expérience deux ans plus tard comme DG d’une société à la suite d’un différend sur la cession d’une filiale. J’ai ainsi expérimenté la médiation comme partie et cela a été très efficace car nous avons pu nous expliquer et trouver un terrain d’entente consensuel. J’ai été conquis.
Pourquoi être devenu médiateur et pourquoi avoir choisi le CMAP ?
Nicolas Simon :
Aux Etats-Unis dans les années 2000, suite à une acquisition de société, nous avons rencontré une problématique de marque avec un enjeu de plusieurs millions.
Grâce à la médiation en 5 semaines, le sujet a été traité. J’ai réalisé que toutes les équipes internes était contentes et étaient passées à autre chose et que la relation avec le cédant, par ailleurs fournisseur, était au beau-fixe.
Quelques années plus tard en France, cherchant une solution autre que le contentieux, j’ai découvert la charte inter-entreprise du CMAP, un engagement pour la résolution amiable des conflits commerciaux. En tant que directeur juridique, j’ai convaincu le président de la société pour laquelle je travaillais de la signer. C’est ainsi que j’ai rencontré Sophie Henry la déléguée générale du CMAP. Je ne souhaitais pas forcément devenir médiateur mais de fil en aiguille j’ai suivi la formation puis passé l’examen. C’est donc tout naturellement que je suis devenu médiateur au CMAP, puis également formateur à mon tour.
Frédéric Beccaria :
Je suis devenu médiateur parce que cette expérience positive m’a conquis mais aussi parce que dans mon activité d’avocat, j’avais touché les limites du contentieux (coût, temps et énergie perdus, aléa) et j’étais de plus en plus convaincu par la pertinence d’un dialogue dans un cadre différent, couvert par la confidentialité.
Quel est votre évènement le plus marquant en médiation ?
Nicolas Simon :
Il y en a tellement. Quelques chiffres dans cette médiation marquante, déjà dans le secteur de la distribution !
3 ans de procédure, 26 renvois, 3 cabinets d’avocats successifs de chaque côté, un mandataire judiciaire au milieu.
On organise une première réunion à laquelle personne ne croyait. La réunion va durer 8h…
A la fin de la réunion, les avocats des deux parties viennent me voir pour me dire « Comment se fait-il qu’on comprenne mieux le dossier après 8h de réunion qu’en 3 ans de procédure ! »
(Et à l’issue de la médiation, les parties ont pu trouver un accord).
Frédéric Beccaria :
Deux dirigeants de PME qui avait collaboré pendant plus de 30 ans et qui se sont retrouvé devant le Tribunal de commerce à la suite de la fin de leurs relations d’affaire. Il y avait énormément de tensions et de rancœurs.
En plus, c’était pendant la COVID et la médiation se faisait en visioconférence. Les parties se sont bien expliquées et sont parvenues à un accord. Six mois plus tard, j’ai reçu un selfie des deux dirigeants tout sourire qui dinaient ensemble, ce qui n’aurait jamais été possible à la suite d’un contentieux.
Pourquoi selon-vous le secteur de l’IT est-il propice à la médiation ?
Nicolas Simon :
C’est un secteur soumis à une pression importante en matière de développement de pratiques respectueuses du développement durable. C’est aussi un secteur dans lequel de nombreux acteurs, qu’ils le veuillent ou non, ont besoin les uns des autres. Dans ce contexte, les acteurs de la distribution ont compris l’intérêt de la durabilité des relations commerciales et des résolutions de conflits constructives et efficaces.
La médiation est un mode de résolution des différends approprié qui s’inscrit dans cette durabilité des relations.
Frédéric Beccaria :
C’est un secteur qui peut conduire à des relations assez tendues, avec des tensions entre des petites structures et des entreprises parfois d’une taille considérable. La médiation permet de s’expliquer, de mieux comprendre les différents et assez souvent cela permet de trouver une solution.
Médiateur expert ou béotien, un avis sur la question ?
Nicolas Simon :
En tant que partie, j’imaginais qu’un médiateur devait être l’expert de son sujet. L’expérience m’a montré les limites de cette option. Un médiateur-expert peut être prisonnier de son expertise et se trouver tiraillé entre son expertise l’incitant à définir qui a fait quoi et sa position de médiateur lui imposant de rester neutre. Il pourrait donc ainsi ne pas offrir aux parties le recul nécessaire.
Faut-il par ailleurs un médiateur béotien ? Non plus, car le médiateur va se heurter immédiatement à des obstacles aussi simples que la méconnaissance des pratiques du secteur, et de son vocabulaire. Cela peut se révéler très agaçant pour les parties et les retarder inutilement. Le médiateur perdrait ainsi rapidement sa légitimité, donc toute chance d’amener les parties à une résolution amiable.
En conclusion, le médiateur ne doit être ni expert ni béotien. Il doit être un « médiateur-connaisseur » ou avoir été suffisamment exposé au secteur / sujet pour savoir comment fonctionne les parties prenantes tout en ayant le recul nécessaire afin de ne pas avoir la tentation de « coller » une solution d’expert, ne permettant pas aux parties de trouver leur solution amiable. Il doit être, et rester, le guide neutre et efficace des parties dans le processus de médiation.
Frédéric Beccaria :
On peut évidemment être médiateur dans un secteur d’activité dont on ignore tout mais les parties sont souvent rassurées d’avoir un médiateur qui connaissent bien leur métier. Elles pensent qu’elles sont ainsi mieux comprises, ce qui les aide à se sentir en confiance. Je pense que l’intérêt d’être un expert du domaine d’activité est plus un confort pour les parties qu’autre chose. Seule bémol, lorsque l’activité est très technique avec beaucoup de vocabulaire spécifique et que le différend porte sur des aspects très opérationnel. Si le médiateur ne comprend rien et doit se faire expliquer le BA BA, cela peut réduire la fluidité des échanges et agacer les parties.
Nicolas Simon
Avocat, associé-fondateur d’un cabinet
spécialisé en prévention et gestion des risques de l’entreprise, ayant
travaillé en tant que juriste et directeur juridique au sein de grands groupes
dans les secteurs de l’énergie, l’ingénierie et la grande distribution.
Formateur en médiation
Frédéric Beccaria
Coach certifié ICF, accompagne ses clients dans l’atteinte de leurs objectifs en misant sur la créativité et la réflexion. Ancien avocat et dirigeant, il a acquis une expertise en gestion de projets complexes et en conduite du changement.