Avec l’impulsion du recours aux modes amiables de règlement des litiges, le législateur recherche un délicat équilibre avec la préservation du droit fondamental d’un recours effectif au juge.
Auparavant, l’esprit du système judiciaire français reposait sur une intervention systématique du juge tranchant le litige, sans que les justiciables aient tenté préalablement de trouver une solution.
Cependant, le législateur a introduit un préalable amiable obligatoire à travers la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, modifié par la loi de programmation de la justice de 2018-2022.
L’aspiration de ces lois était d’inciter les justiciables à régler amiablement leurs conflits, dans certains types de litige, de manière apaisée avec une solution tendant à satisfaire l’ensemble des parties.
Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 a alors créé l’article 750-1 du Code de procédure civile imposant, avant l’introduction d’une demande en justice, la mise en œuvre, au choix des parties, d’une tentative de conciliation, menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Toutefois, les parties étaient dispensées de cette obligation en raison d’un motif légitime, notamment, tenant à l’indisponibilité des conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.
Cependant, cet article a suscité des critiques. Elles portaient, en outre, sur l’inégalité induite entre ceux qui pouvaient recourir à des modes amiables payants et les autres. En septembre 2022, le Conseil d’Etat n’a pas suivi cet argument, considérant que la conciliation était gratuite, mais a tout de même censuré cette disposition, au motif que les imprécisions liées à l’indisponibilité des conciliateurs de justice pouvaient conduire effectivement à une atteinte au recours effectif à un juge.
Ainsi, le nouveau décret du 11 mai 2023 vient modifier l’article 750-1 du CPC. Il réintroduit l’obligation d’un recours préalable à un mode amiable, en clarifiant les cas de dispense de cette obligation, notamment l’indisponibilité des conciliateurs de justice entraînant la tenue de la première réunion au-delà d’un délai précis de trois mois. Si cette obligation préalable n’a pas été respectée, le juge peut alors prononcer d’office l’irrecevabilité de l’action en justice.
Bien que cette nouvelle rédaction précise les modalités d’application du texte, répondant ainsi aux critiques du Conseil d’Etat, des questions restent en suspens, telle que l’interrogation sur la définition de la « tentative ». Il existe actuellement des réunions d’information de médiation. Une telle réunion « informative » peut-elle être regardée comme une tentative de médiation ?
Observons pour finir que l’article 750-1 du code de procédure civile n’entrera en vigueur qu’au 1er octobre 2023.
Lorène Bonne
Juriste
CMAP