FICHE PRATIQUE 1
CORONAVIRUS & MEDIATION ORDONNÉE PAR LE JUGE
EXPLICATIONS : il convient de se référer à l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 (l’Ordonnance 2020-306) prise en application de la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020, notamment les b et c du 2° du I de son article 11 (la Loi d’urgence), modifiée par l’Ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020 (l’Ordonnance rectificative 2020-427), relatives à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
L’alinéa 1 de l’article 4 de la Loi d’urgence dispose que : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. »
La Loi d’urgence est entrée en vigueur le 12 mars 2020, car l’article 22 prévoyait son application immédiate. L’état d’urgence a débuté le 12 mars 2020. Cette date marque également le point de départ la période juridiquement protégée (PJP). L’article 1 de l’Ordonnance 2020-427 modifiant l’article 1 de l’Ordonnance 2020-306 dispose que la PJP se terminera à « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ». La Loi d’urgence a été publiée le 23 mars 2020. La PJP durera donc en principe jusqu’au 24 juin 2020. Il convient de se reporter également à la lecture de la Circulaire de présentation de l’ordonnance du Ministère de la justice du 26 mars 2020, d’application immédiate (Circulaire du 26 mars 2020), et Rapport au Présidente de la République qui accompagne l’Ordonnance rectificative 2020-427, même si ce dernier n’a pas de portée juridique, pour apprécier le fonctionnement de la prorogation ordonnée.
Le principe : il est donné par l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 qui dispose :
« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° (…) 3° (…) 4° (…) 5° (…) (…) ».
Ces paragraphes ne sont pas modifiés par l’Ordonnance rectificative 2020-427.
La PJP va donc avoir une incidence sur les délais de médiation judiciaire qui expireront entre le 12 mars 2020 et la fin de la PJP, soit à ce jour le 24 juin 2020. La date est elle-même mobile et dépend de celle à laquelle prendra fin l’état d’urgence, et donc la PJP.
- Exemple 1 : une médiation judiciaire prononcée avant le 12 mars 2020 pour 3 mois expire pendant la PJP.
- Exemple 2 : une médiation judiciaire de 3 mois avait été renouvelée avant le 12 mars 2020 pour une période (3 mois maximum) qui expirera après le 12 mars 2020.
Autrement dit, toute mesure de médiation judiciaire dont le terme vient à échéance au cours de la PJP (soit à ce jour au 24 juin 2020) sera prorogée de plein jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période (soit à ce jour jusqu’au 24 août 2020).
Différence par rapport aux (autres) délais de procédure : en matière de médiation, à la différence des délais de procédure visés à l’article 2 de l’Ordonnance 2020-206, le cas d’un délai qui aurait commencé de courir avant ou après le 12 mars 2020 et qui expirerait après la fin de la PJP n’existe pas. En effet, compte-tenu du confinement des juridicitons, aucun renouvellement de mesure de médiation judiciaire ne devrait en principe être ordonnée après le 12 mars 2020. En conséquence, à supposer une médiation judiciaire dont le renouvellement a été prononcé au plus tard le 11 mars 2020 pour la durée maximale additionnelle de trois mois, sa durée expirera au plus tard le 11 juin 2020, et donc pendant la PJP. Ladite mesure de médiation bénéficiera de la prolongation de plein droit ouverte par l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 non modifié par l’Ordonnance rectificative 2020-427.
Exclusion : aucune prolongation ne sera possible s’agissant du délai en matière de médiation judiciaire qui a déjà expiré le 12 mars 2020.
- Exemple 1 : une médiation judiciaire de 3 mois a expiré avant le 12 mars 2020 sans avoir été avant cette date renouvelée.
- Exemple 2 : une médiation judiciaire de 3 mois avait été renouvelée pour une période (3 mois maximum) qui a expiré avant le 12 mars 2020. Les délais étaient, en effet, épuisés avant l’ouverture de la PJP.
Tempérament : Le dernier alinéa de l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 disposait que :
« (…) Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. »
La Circulaire du 26 mars 2020 précisait que la prorogation de plein droit ne prive pas le juge ou l’autorité compétente qui a prononcé la mesure avant le 12 mars 2020 de la modifier ou d’y mettre fin. La prolongation dite « de plein droit » ne s’applique donc pas au juge.
L’ordonnance rectificative a confirmé ce point an modifiant l’alinéa précité de l’article 3 comme suit :
« Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l’exercice, par le juge ou l’autorité compétente, de ses compétences pour modifier ces mesures ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont il a la charge le justifient, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles en fixant un délai qu’il détermine. Dans tous les cas, le juge ou l’autorité compétente tient compte, dans la détermination des prescriptions ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire. »
Le Rapport au Président de la République confirme cette volonté d’accroître le rôle des autorités compétentes. Le juge peut donc, pendant la PJP, reprendre une médiation dont le délai est « de plein droit » suspendu, l’aménager, y mettre fin ou proposer une nouvelle médiation.
Quid de la médiation administrative ? L’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 (Ordonnance 2020-304) porte adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété. Son article 2 dispose :
« I. – Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale.
II. – Par dérogation aux dispositions du I : 1° (…) 2° (…) 3° (…). »
La médiation administrative ne figure pas parmi les exclusions d’application de l’Ordonnance 2020-304.
Par ailleurs, l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 vise « Les mesures administratives ou juridictionnelles », sans distinction entre le juge judiciaire ou administratif (à la différence de la prorogation des délais de procédure visés à l’article 2 de l’Ordonnance 2020-306 qui s’applique aux procédures devant les juridictions judiciaires, donc par opposition aux juridiction administratives – Tribunal Administratif, Cour Administrative d’Appel et Conseil d’Etat) statuant en matière non pénale. La médiation administrative semble donc couverte par les dispositions de l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 modifié par l’Ordonnance rectificative 2020-427.
D’ailleurs, l’Ordonnance rectificative 2020-427 vise dans son préambule « l’ordonnance n° 2020-305 modifiée du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ».
Autres fiches pratiques à venir :
De l’intérêt pour l’entreprise aller en médiation conventionnelle compte-tenu des adaptations faites aux délais des actes prescrits par la loi ou certaines clauses conventionnelles
De l’intérêt pour l’entreprise aller en médiation conventionnelle compte-tenu des adaptations faites aux délais des actes prescrits par la loi ou certaines clauses conventionnelles
De l’intérêt pour l’entreprise aller en médiation conventionnelle compte-tenu des incertitudes en matière d’application de la force majeure
De l’intérêt pour l’entreprise aller en médiation conventionnelle compte-tenu des incertitudes en matière d’application de l’impévision
Des moyens à la disposition du médiateur s’il est empêché d’exercer sa mission