Par Yves-Alain Ach – Docteur en Sciences de Gestion – Médiateur et Arbitre agréé Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP)
Assurer une médiation n’est pas aussi simple que certains l’imaginent. Une médiation est avant tout un processus interactif qui conduit à trouver une solution gagnante/gagnante pour les différents protagonistes. Le fait que la solution qui émergera des discussions puisse être gagnante /gagnante n’est pas une vue de l’esprit. C’est tout l’art du processus qui doit y conduire. Ce qui vient aussi contredire le dicton qui prétend qu’il vaut mieux un mauvais accord qu’un bon procès.
Dans la mesure où le médiateur ne pourra pas soutenir déontologiquement un mauvais accord pour l’une des parties, réunir des parties afin de leur permettre d’exposer leur revendication en toute liberté et sous le sceau de la confidentialité présente un avantage indéniable pour les parties et aussi pour le médiateur. Ce dernier pourra appréhender, ainsi les tenants et les aboutissants des problématiques et tenter d’entrevoir des pistes de convergences. Le médiateur n’est pas obligé de conduire les parties à la conclusion d’un accord, il doit simplement permettre de souligner les points de convergence et d’accord qui permettra de conclure positivement la médiation.
Mais quel sont les modalités de mise en œuvre fondamentale d’une médiation et quel est la stratégie du médiateur afin de tenter de réunir les parties autour d’un accord ?
1 – La médiation et la position des parties
Les parties pensent que l’issue passe par l’acceptation de son point de vue, qu’ils sont prêts à exposer aux médiateurs. Or le médiateur devra rapidement s’extraire de cette logique, dans la mesure il ne doit pas se laisser entraîner dans un marchandage trivial. Il s’agit de faire comprendre aux parties que la guerre de position ne s’applique pas à ce processus et que cela ne permet pas de conclure un accord qui serait judicieux. Les managers expérimentés savent d’ailleurs que cette méthode est coûteuse, en temps, en dégradation des relations entre les individus et en qualité du résultat.
Le médiateur doit s’assurer qu’une telle pratique n’est pas en cours dans le processus qu’il va guider et ramener les parties sur les voies d’une négociation raisonnée. Cette modalité qui repose sur quatre points fondamentaux fait ressortir les points communs de la négociation entre les parties. Ainsi, R. Fisher et W. Ury (1981)[1] fixent les quatre principes qui conduisent à traiter séparément les questions de personnes et le différend, se concentrer sur les intérêts en jeu et non sur les positions, imaginer un large éventail de solutions avant de prendre une décision et exiger que le résultat repose sur des critères objectifs. On comprend que cette approche permettra au Médiateur de placer la raison au centre du processus tout en satisfaisant les attentes des parties au conflit.
2 – L’intérêt de la médiation pour les parties
L’interactivité de l’échange est fondamentale. La médiation permet l’échange entre les parties, or ce contact direct assure une compréhension collective qui permet de mieux comprendre l’autre et de tenter d’obtenir ainsi le résultat réellement attendu. Il s’agit aussi de faire comprendre clairement à l’autre partie la légitimité des préoccupations ; cela revient bien évidemment au Médiateur, qui sera le vecteur de l’échange afin que les intérêts de tous soient bien compris par les uns et les autres.
La médiation doit évidemment permettre d’atténuer les clivages entre les parties jusqu’à les faire disparaître afin que le futur puisse être envisagé. Le futur se dessine autour d’une solution positive pour les parties, la capacité d’appréhender et de comprendre qu’une sortie du conflit par le haut ne peut être que bénéfique pour les intérêts des protagonistes est essentiel pour assurer un accord. Ainsi, la résolution du conflit doit aboutir à une conclusion positive pour les individus ou les entreprises qu’ils représentent.
3 – La clef de la stratégie de médiation
L’ensemble des ingrédients exposés ci-dessus sont essentiels. En revanche, difficile de fixer une solution si le médiateur ne conduit pas les parties à avoir de l’imagination. Cette approche est l’axe principal de la solution au conflit. Les parties doivent être acteurs de leur propre solution et pour cela, ils doivent être pragmatiques et imaginatifs. On comprend aisément qu’il ne peut pas exister une solution unique, mais des solutions nécessairement acceptables par les intéressés. Le Médiateur doit avoir la sagesse et l’expertise qui conduit à laisser entrevoir une multiplicité d’hypothèses qui permettront aux parties à construire un accord ou le bénéfice mutuel ne peut être exclu.
4 – Les parties aux conflits doivent être des négociateurs
Le Médiateur est un vecteur et un catalyseur de la pensée des parties au conflit. Mais rien ne peut être fait sans les parties, qui doivent être suffisamment préparées et formées aux grands principes de la négociation pour participer à une Médiation. Les objectifs fixés doivent être atteints et pour cela il est nécessaire de mettre en place des tactiques qui permettent de résoudre le conflit. Michel Déon rappelle que « le sport est une grande affaire pour ceux qui ne le pratiquent pas[2] », il en est de même pour la Médiation. Concrètement il faut se placer dans une spirale positive et envisager de suivre les préceptes de B.H.Liddell Hart[3], en ajustant l’objectif aux moyens, en conservant l’objectif présent à l’esprit, mais aussi en adaptant le plan aux circonstances, il est important de suivre la ligne de moindre attente en comprenant les idées de l’autre partie, il est nécessaire d’adopter une ligne d’opération qui permettent de suivre des voies alternatives et de concevoir une ligne de conduite souple qui permettra de s’adapter aux circonstances.
Concrètement, les enjeux qui entourent une Médiation sont toujours particulièrement importants et essentiels pour les protagonistes. Accompagner le processus de Médiation et conduire les parties à une solution gagnante/gagnante est l’objectif du médiateur. Pour autant, impossible d’aboutir si les parties n’ont pas la finesse de prendre les décisions qui emporteraient la résolution du conflit. Il est nécessaire de savoir prendre les bonnes décisions au bon moment. H.Raiffa (1982) précise cette idée qui pour lui est fondamentale, et rappelle que « les qualités interpersonnelles sont d’une importance critique dans l’activité d’échange de la négociation, mais la décision est aussi une importance cruciale »[4]. En effet, rien ne sert de médier si les parties n’ont pas la capacité de valider l’accord, la prise de décision est en effet essentielle et le Médiateur doit s’enquérir de la capacité de transiger ou non des interlocuteurs qui participent à la Médiation. Il ne doit pas hésiter à faire participer les décideurs à ce processus de résolution des conflits.
[1] R.Fisher & W.Ury ( 1981) – « Getting to yes » – Hougthon Mifflin Company, Boston – Ed. Française le Seuil (1982), 31.
[2] M. Déon (1998), Madame Rose – Albin Michel.
[3] B.H.Liddell Hart (1998), Stratégie – Ed. Perrin, collection Tempus, 535-536.
[4] H.Raiffa (1982),The art and science of negotiation – The Belknap Press of Harvard University Press, 358.