Clause de médiation et impécuniosité


A l’instar d’un arbitrage, le processus de médiation engendre des frais pour les parties, même si les coûts ne sont bien entendu pas comparables.

Une entreprise se trouvant en cessation des paiements pourrait rencontrer des difficultés dans l’hypothèse où un litige surviendrait à l’occasion de l’exécution d’un contrat incluant une clause de médiation.

En effet, si l’issue d’une médiation n’est soumise qu’à une obligation de moyen, la mise en œuvre de la clause de médiation est quant à elle soumise à une obligation de résultat. Autrement dit, les parties ayant inclus cette clause de médiation devront justifier des diligences réalisées pour la mise en œuvre de la médiation.

Conformément à une jurisprudence constante, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent (Cass. Mixte, 14 février 2003). Dans l’hypothèse où la clause ne serait pas respectée, l’une ou l’autre des parties pourrait soulever une fin de non-recevoir pour contrer les demandes de l’autre partie.

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux du 5 octobre 2022, une société avait exposé qu’elle ne disposait d’aucun fonds, la liquidation étant impécunieuse, pour régler les frais et honoraires du médiateur mis pour moitié à sa charge. Elle a fait valoir que la clause était matériellement inapplicable sauf à constituer un déni de justice et à la priver de tout accès au juge. La Cour d’appel de Bordeaux a toutefois rejeté cet argument et a mis en avant l’application de la clause, en considérant que bien que la clause limite effectivement le droit d’accès au tribunal, elle n’atteint pas ce droit dans sa substance, dans la mesure où le mandataire judiciaire pouvait entamer les démarches lorsque la société était encore in bonis. La Cour évoque également la possibilité de communiquer les difficultés financières au médiateur et à l’autre partie, et de solliciter une modification amiable de la répartition des frais de médiation avant de saisir le juge et d’arguer d’une impossibilité irrémédiable de recourir à la médiation.

Or, il est habituel que les institutions de médiation requièrent le paiement de frais d’ouverture afin de pouvoir enregistrer la demande de médiation et sans l’enregistrement de cette demande, aucun contact n’est pris avec l’autre partie pour lui faire part de la mise en œuvre de la clause de médiation. De surcroît, cet enregistrement est également nécessaire afin de communiquer un procès-verbal de constat d’impossibilité de mettre en œuvre la médiation, permettant de justifier des diligences réalisées.

A ce jour, la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur l’applicabilité de la clause de médiation en cas d’impécuniosité. De la même manière qu’en matière d’arbitrage, il est possible que la Cour retienne l’idée qu’il revient aux acteurs de la médiation de s’assurer que la clause de médiation ne fasse pas obstacle à l’accès au juge. Les juges du fond mettent parfois la preuve à la charge de la partie qui a été contactée, lui imposant de prouver qu’elle a répondu à la demande de médiation et que celle-ci a échoué.

A la lumière de la nouvelle politique amiable, il reviendra à la Cour de Cassation d’apporter des précisions sur la portée de la clause en cas d’impécuniosité.

Une autre possibilité pourrait être envisagée par les parties. En matière d’arbitrage, face au coût élevé de cette procédure, notamment pour les petites structures, il est de plus en plus courant de recourir au financement par des tiers. Cette solution consiste pour un tiers à prendre en charge partiellement ou totalement les frais de la procédure. En contrepartie, le tiers se rémunère avec un pourcentage des dommages et intérêts alloués par la sentence arbitrale. Ainsi, face à l’impécuniosité d’une partie en médiation, n’y aurait-il pas également un intérêt pour les tiers à financer cette procédure dès lors que leur rémunération dépend d’une issue favorable pour la partie financée ?


Lorène Bonne

Juriste – Pôle MARD

CMAP

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