Si dernièrement la jurisprudence de la Cour de justice européenne semble hostile à l’arbitrage, l’arrêt BTS HOLDING c. Slovaquie rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH ci-après) le 30 juin 2022 doit interpeler les praticiens sur les possibilités qu’offre la Convention européenne des droits de l’homme en matière de protection de la sentence arbitrale.
Les faits du présent arrêt n’ont que peu d’intérêt, c’est pourquoi nous les synthétiserons rapidement[1].
Dans cette affaire, la société BTS Holding a réalisé l’achat d’un part de l’aéroport de Bratislava, dans le cadre de la privatisation de ce dernier. Le contrat permettant la cession a été conclu avec le National Property Fund of Slovakia (NPF). La privatisation a finalement été annulée et l’acheteur a obtenu le remboursement partiel de ce qu’il avait versé. Il a mis en jeu la clause compromissoire inséré dans le contrat afin d’obtenir la réparation de son préjudice. Malgré sa victoire lors de l’instance arbitrale, l’exécution de la sentence n’a pas été possible en Slovaquie, à la suite de l’opposition des juridictions slovaques.
Cet arrêt mérite d’être souligné et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, la Cour reconnait à la créance du demandeur la qualification de bien. Cette qualification permet dès lors à la sentence d’être protégée par la Convention[2]. Second point, la Cour répond à la question suivante : le refus d’exécuter une sentence arbitrale par les cours slovaques peut-il constituer une violation de l’art. 1er du protocole additionnel de la Convention EDH[3] ? La réponse de la Cour est positive en l’espèce, car les cours slovaques n’ont pas respecté le droit interne, ni la Convention de New York et la Cour insiste sur le caractère disproportionné de la sanction. Cette décision est donc précieuse, car malgré l’argument de contrariété à l’intérêt général brandit par les cours slovaques, la Cour européenne des droits de l’Homme sanctionne la Slovaquie et la rappelle à ses obligations contractuelles.
Que retenir de cet arrêt ? Tout d’abord que la sentence arbitrale est un bien au sens de la CEDH et que dès lors elle bénéficie de la protection de la Convention. De ce fait, les juridictions et les Etats doivent agir en accord avec cette dernière lors de l’exécution des sentences arbitrales, sous peine de se voir sanctionner.
[1] Pour les lecteurs les plus curieux, nous vous invitons à prendre connaissance de l’entier des faits de cet arrêt en suivant ce lien : https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-218080%22]}
[2] Il semblerait que cette qualification puisse être appliquée dès le moment où le tribunal arbitral a rendu la sentence et non au moment de l’exequatur, v. en ce sens Jérémy Jourdan Marques, Dalloz actualité 13 juillet 2022, Chronique d’arbitrage : CJUE versus CEDH, la bataille pour l’arbitrage a commencé.
[3] https://www.echr.coe.int/Documents/Library_Collection_P1postP11_STE009F_FRA.pdf